LE PAGANISME AUJOURD'HUI

Interview de Morgane Lafey par le magazine "Témoignage Chrétien"

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Qu'est-ce que le paganisme pour vous ?


A mon sens, le paganisme regroupe les religions de la Terre. Des spiritualités souvent "natives" dont la pratique est antérieure aux religions révélées. On parle souvent de religions pré-chrétiennes. Elles regroupent notamment : les Traditions celtiques, nordiques, romaines, égyptienne, amérindiennes, maoris, et tellement d'autres. Chaque tribu africaine, australienne, sibérienne etc. ayant sa propre religion relève du paganisme. Le paganisme vient des termes paganus, pagus, signifiant pays. Le païen est donc l'homme du pays, pas seulement un paysan, il peut vivre en ville aussi.. Sa religion est celle de sa Terre, liée à sa subsistance, son environnement et à la réalité spirituelle qu'il vit dans la structure de sa tribu. Le paganisme actuel est toujours gardien de la Terre, il prend racine dans le passé pour s'épanouir dans le présent, en accord avec la réalité contemporaine.


Comment et pourquoi devient-on païen ?


A l'origine, les Traditions se transmettaient dans la société, via l'éducation et le quotidien. De nos jours, il a fallu essayer de rompre avec nos éducations pour aller chercher ce qui nous semblait plus en accord avec notre nature. Non pas par opposition au judeo-christiannisme, simplement comme un autre chemin plus approprié à certaines personnes, dont je suis. Je crois qu'on devient païen, aujourd'hui, par un élan du coeur, par une sensation très intime, très personnelle, qui s'assimile à ce que l'on ressent lorsqu'on voit quelqu'un qu'on aime. Tous les gens qui sont entrés en contact avec moi, m'ont tous raconté la même histoire, une découverte passionnante, qui touche et qui donne envie d'aller plus loin. A ce niveau, je crois qu'il en va du paganisme comme de toutes les religions non imposées.

Personnellement, j'ai senti l'appel très profondément, et il a fallu que je consacre ma vie à la Grande Déesse Mère et aux Dieux anciens de notre Terre. Ouvrir une boutique païenne était le seul "sacerdoce" qui me permettait de me consacrer aux autres tout en gagnant ma vie. Je peux ainsi revendre des articles mais pas la Connaissance, ni la spiritualité qui, à mon avis, ne se monnayent pas. Nous sommes nombreux à avoir ressenti le besoin d'entrer dans la prêtrise païenne. Ceci dans un esprit de partage et d'aide à l'autonomie de chacun. C'est d'ailleurs une notion qui me tient particulièrement à coeur. Je crois que la spiritualité vraie, engage à être responsable de ses actes et autonome. Aussi, j'encourage les personnes qui me demandent de l'aide à ne dépendre de personne.

Nous choisissons aussi d'être païen par amour simple pour notre Mère la Terre. L'écologie spirituelle devient alors un moteur pour suivre cette voie avec une action militante. Ainsi, déçus par le comportement irresponsable de l'homme envers Celle qui le nourrit et l'accueille en bonne Mère, beaucoup d'entre nous essaient, par l'action militante et par nos rituels, de participer au rétablissement de l'équilibre. Cette prise de conscience est très largement partagée dans le monde païen.


Pratiquez-vous la sorcellerie ? Y croyez-vous ?


Pour commencer, il me semble important de comprendre ce mot qui possède diverses significations. Si vous voulez parler de magie négative, magie de pouvoir etc., j'ai eu l'occasion d'en constater la réalité mais il est hors de question pour moi de la pratiquer. Ces magies opératoires sont des dégénérescences de pratiques rituelles religieuses passées dans le monde profane. Sans cadre spirituel et souvent issues de syncrétismes complètement déstructurés, elles autorisent toutes les dérives. Cependant, si vous entendez par sorcellerie, Sorcellerie traditionnelle wiccane à savoir magie positive, herboristerie, accompagnement féminin et cercles de femmes, je reconnais également son existence et j'ai une pratique qui peut s'en rapprocher par certains aspects. Mais ma pratique est plus axée sur les actions de grâce, l'harmonie avec l'environnement, l'écoute et le relationnel avec les Dieux Celtes du sol où je vis que sur la magie opératoire. Je n'utilise que très rarement la magie pour le quotidien. La magie est toujours Sacrée, ma pratique est toujours reliée au Sacré. Sacré qui ne se différencie pas du profane pour moi. Comme nos Ancêtres, j'essaie de vivre ma spiritualité en relation avec une vision globale monde.


Pourquoi, à votre avis, ce type de religion (ou devrait-on dire croyance?) fait-il l'objet d'un certain mépris des monothéismes en particulier ?


Je ne crois pas qu'on devrait parler de croyances, ce mot est parfois péjoratif. Le paganisme regroupe de réelles religions qui possèdent leurs Dieux, leurs pratiques, leurs textes et auteurs de référence, leurs prêtresses et prêtres, même si nous sommes nombreux à être des pratiquants isolés. J'ai près de 6000 clients dans mon fichier boutique, cela représente tout de même, un nombre important pour une religion minoritaire.

Concernant le mépris dont nous faisons parfois l'objet, il n'est pas particulier aux monothéismes. Ce qu'on ne connaît pas, fait peur, c'est peut-être l'ignorance de nos détracteurs qui nous dessert. Le mieux serait alors de nous faire connaître avec humilité, même si dans l'absolu, nous n'avons rien à prouver. Lorsqu'on rencontre une personne ayant une véritable spiritualité, on se comprend, et ce, quels que soient ses Dieux. Chaque religion est un chemin différent pour parvenir au sommet d'une même montagne, dit-on...

J'ai rencontré des chrétiens orthodoxes qui m'avouaient qu'en vivant au coeur de la forêt dans un monastère, il était bien difficile de ne pas être animiste !

Je crois que chacun croit toujours détendre LA vérité, pourtant je partage l'avis de sa Sainteté le Dalai Lama lorsqu'il dit : "Il n'y a pas qu'une seule vérité mais plutôt une multiplicité de vérités uniques pour chacun." Partant de ce principe, il est plus facile de vivre en paix, ne croyez-vous pas ?


Pouvez-vous nous parler de vos activités professionnelles, par exemple des livres que vous vendez? Que cherchent les gens qui se rendent sur votre site ?


Je rencontre par Internet deux catégories de personnes. D'abord, les personnes de Traditions celtiques, nordiques et wiccanes, qui cherchent des ouvrages pour découvrir les pratiques liées aux spiritualités qu'ils ont choisies. Je vends des ouvrages traitant des mythologies européennes, surtout, pour ceux qui cherchent leurs racines.

Ensuite, je renseigne ceux qui cherchent une porte de sortie à leurs problèmes dans la magie et l'ésotérisme, qu'ils ne comprennent pas vraiment. Il s'agit d'un travail d'écoute plus que de vente, car il me semble malhonnête de promettre, réussite, bonheur et amour à des personnes en détresse ou mal orientées. Rien de ce que je vends ne modifie la vie des gens sans qu'ils ne prennent une part active aux changements éventuels.


Transmettrez-vous votre foi à vous enfants ? (Ma femme et moi, chrétiens pratiquants, transmettons notre foi à nos trois enfants et nous pensons que c'est normal. Comment ferez-vous quand vos enfants seront plus grand ?)

Je ne dirais pas que je transmet ma foi. Mon conjoint est athée et nous transmettons notre manière de voir le monde qui est forcément un peu différente. Je réponds à leurs questions en fonction de ce qui me semble juste en leur demandant ce qu'ils en pensent. J'essaie de les encourager à utiliser leur discernement, leur bon sens. Mon but est de les aider à être observateur, à l'écoute d'eux-mêmes et de leur environnement. Ce sont, je crois, des qualités de base pour comprendre le monde en fonction du chemin de chacun. Lorsque j'ai voulu faire mon baptême catholique et mes communions à 13 ans, mes parents (athées) m'ont encouragée et emmenée chaque dimanche à l'Eglise. J'espère que lorsque mes enfants choisiront leur voie, je saurais les accompagner même si comme moi ils finissent par changer de route.

Ce que je dis à mes enfants, c'est que la véritable spiritualité rend heureux et nous engage à ne pas faire souffrir les autres à moins d'avoir besoin de se défendre ou de défendre des innocents. L'Harmonie demeure le sentiment maître en dépit des difficultés que l'on peut rencontrer pour la mettre en place.

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