Voici mon témoignage sur le thème de l’anorexie.

Il peut apporter quelques lumières aux parents qui, souvent, se retrouvent face à une situation qu’ils ne comprennent pas, et aux anorexiques qui ont besoin de savoir qu’ils ne sont pas seuls.

Tout d’abord, je souhaite distinguer deux catégories d’anorexies qui, selon moi, n’ont aucun rapport entre elles, et qui mériteraient de ce fait d’être totalement différenciées.

La première catégorie, qui se répartit en deux groupes :

Les personnes qui recherchent une identité (souvent les adolescents) à travers par exemple un «prototype», un chanteur à la mode, un mannequin,… Il s’agit aussi souvent d’un phénomène d’opposition et de réaction au milieu familial pour certains d’entre eux. Il n’en reste pas moins qu’il faille les surveiller très étroitement, car ces jeunes finissent par avoir des carences physiques qui peuvent être graves si ce passage à l’âge adulte dure trop longtemps. Certains en font une obsession, et finissent par perdre le contrôle d’eux-mêmes, d’où le besoin d’un suivi très étroit de la part des parents.

Dans le deuxième groupe on trouve des personnes qui lancent un véritable S.O.S en perdant le goût de manger, donc de vivre. Ce sont, pour la plupart, des personnes délaissées et qui plongent dans une dépression (personnes âgées, nourrissons). Par cette attitude, elles semblent dire : « je suis là… regardez-moi… touchez-moi… ne m'abandonnez pas ! »

La deuxième catégorie, que je connais pour l’avoir vécue, est un principe de mort projeté inconsciemment sur l’enfant, la plupart du temps par sa mère, et le plus souvent dès sa vie fœtale :

• Tentative d’avortement
• Rejet psychologique de la grossesse
• Mère dépressive etc.…

Malheureusement nous avons tendance à minimiser ces évènements redoutables pour l’enfant et son développement.

Les agressions verbales, les pressions psychologiques qui, bien souvent, font suite à un refus de mettre au monde un enfant, peuvent prendre différentes formes suivant l’éducation et les schémas parentaux. Ces comportements sont destructeurs et amènent l’enfant à une dévalorisation constante de lui-même, à laquelle viendra s’ajouter une angoisse très profonde due au danger que représente la mort qui plane sur lui dès sa conception.

Je souhaite dans ce paragraphe m’adresser aux parents, en leur disant que chaque expérience est une occasion pour l’homme d’évoluer, que personne sur cette terre n’est «parfait », et que les erreurs sont le meilleur moyen de progresser. Ce qui reste fondamental dans chaque expérience, c’est la prise de conscience que l’on a pu se tromper. A partir de ce moment, beaucoup de nœuds se défont. Il n’est jamais trop tard pour comprendre ce qui se passe, ou ce qui s’est passé, et d’essayer d’agir ou d’en parler. Le silence, sous-tendu la plupart du temps par une volonté de protéger l’enfant, n’aboutit qu’à des non-dits qui ne font qu’accentuer le problème. La communication est souvent très difficile entre les parents et les enfants, mais le meilleur guide est une recherche constante de vouloir comprendre l’autre. Il n’est donc nullement question de se rendre coupable, mais d’inciter chacun à comprendre ce qui se passe en lui.

Le déroulement de la maladie sera différent par rapport à la forme d’anorexie du premier groupe, car la cause est plus profonde et la personne va cheminer dans une sorte d’auto-destruction pour aller finalement vers une auto-construction. C’est un véritable chemin de vie et de labeur, et cela pourra paraître surprenant. Je l’ai vécu personnellement comme une véritable expérience initiatique. Initiatique, car le principe de la mort propre à toute initiation est présent et vécu sur différents plans : physique, émotionnel et mental.

Dans le passé, les médecins connaissaient très peu cette forme d’anorexie. Les personnes étaient considérées comme folles et, la plupart du temps, elles se retrouvaient dans des établissements spécialisés. Ils affirmaient malgré tout, dans un passé moins lointain, que les personnes qui en souffraient étaient «intelligentes». J’ai longtemps cherché à comprendre ce qu’ils voulaient dire par là ! Je pense qu’ils voulaient parler d’une conscience que la personne exprime, et qui selon toute vraisemblance, sort de la logique même de la dépression, car souvent dans les cas de désordres psychologiques, le malade est plongé dans une sorte de torpeur qui le rend, la plupart du temps, moins sensible, voire insensible par rapport à elle-même et à son entourage. Il suffit d’observer les gens dépressifs pour s’en rendre compte.

L’anorexique, au contraire, semble avoir une conscience plus aiguë d’elle-même et ressent étroitement les sentiments de ceux qui l’entourent ; et c'est bien souvent une cause de culpabilisation qui vient s’ajouter à tout le reste. Cette conscience des choses ne devient apparente que lorsque l'anorexique décide d’exprimer ses ressentis, ce qui est très rare, car le plus souvent elle se réfugie dans une forme de mutisme qui va la protéger de ce qu'elle pense être des agressions extérieures de la part de son entourage. Il ne faut pas oublier que son schéma psychologique a enregistré un principe de destruction et que tout peut être traduit comme un danger. Dans la même logique, elle va vouloir «contrôler» tout ce qui entre dans son corps. Ce contrôle permanent va placer les anorexiques dans un état d’éveil constant au niveau du mental, celui-ci «galope» et reste très actif.

A partir du moment où l’on parle d’un contrôle sur soi, il faut comprendre qu’une certaine conscience se développe. C’est une véritable prise en main de sa propre personne, et il s’ensuit que les gens «à l’extérieur» n’ont plus aucun pouvoir sur elle. Si, par exemple, vous essayez de faire manger une anorexique, elle saura comment échapper à cette pression (par des vomissements par exemple). Elle saura faire semblant comme jamais vous ne pourriez l’imaginer ! Derrière son comportement conciliant, elle redoublera d’imagination et trouvera toujours le moyen d'échapper à votre vigilance !

Le principe de mort, projeté sur sa personne par le milieu ambiant, va déclencher un programme de Sur Vie, une sorte de contrôle sur sa vie et sur sa mort. Puisqu’elle n’a pas reçu spontanément dans son enfance l’énergie lui permettant de prendre le simple fait de vivre comme un acquis, elle devra donc se battre pour la Vie. C'est un paradoxe et c’est ce que qui différencie cette forme d’anorexie de celle que je décris dans le premier groupe. Il s’ensuit une conscience exacerbée du corps et de la vie qui l’anime. Mais ce combat pour la vie n'est pas gagné d’avance et c’est ce qui rend l’anorexie si difficile à comprendre. C’est l'anorexique elle-même qui doit décider si elle vivra ou non, et elle ne vous laissera pas une nouvelle foi décider à sa place. Les chantages affectifs, les pressions de toutes sortes n’y feront rien, je pense qu’en tant que parents vous l’avez peut-être déjà compris.

Je suis là aujourd’hui, dans ma vie d'adulte, car j’ai eu la chance de rencontrer, lorsque j'avais 20 ans à l’époque, un médecin qui avait compris cela et qui avait su l’expliquer à mes parents.

La plupart du temps, quand le processus est en route il ne s’arrête pas en chemin, cela veut dire que la personne ira jusqu’au bout de son expérience. La mienne s’est située autour de 28 kilos et 7 de tension. Devenue totalement dépendante par manque d’énergie, et ne pouvant plus parler par manque de souffle, j’ai DECIDE qu’il était temps d’agir.

C’est tout.

Lorsque j’eus pris la décision, je suis entrée dans une maison de repos et là il y avait un jardin. Je me suis rendue compte par la suite que la nature qui m’entourait à l’époque m’avait beaucoup aidée, et que je me nourrissais petit à petit de cette beauté naturelle. Je découvris grâce à cet environnement qu’il existait des choses «belles». Des couleurs, des parfums, le chant des oiseaux... Je voyais pour la première fois un monde "en couleurs". En fait, j’avais découvert que la vie pouvait être regardée autrement et qu’il n’y avait pas que les soucis du quotidien et la mort comme seul horizon, mais que la vie était présente partout…les insectes, les fleurs, les "autres", etc.... Cette beauté m’a sauvée la vie car, à travers toute cette animation, j’ai porté un autre regard sur le Monde. On pourrait donner un nom à ce nouveau regard et je n’hésite pas à le faire, je l’appelle aujourd’hui : Spiritualité, car si la nourriture issue de la terre est indispensable à la vie de notre corps, la Nourriture spirituelle, Elle, est Vitale à notre âme.

Françoise

 

 
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